Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3142

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 13-14).

3142. — À M.  LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 28 mars.

Si je n’avais pas une nièce, mon héros, vous m’auriez vu à Lyon. Je vous aurais suivi à Toulon, à Minorque. Vous auriez eu votre historien avec vous, comme Louis XIV. Que les vents et la fortune vous accompagnent ! Je ne peux répondre d’eux, mais je réponds que vous ferez tout ce que vous pourrez faire. Si jamais vous pouvez avoir la bonté de me faire parvenir un petit journal de votre expédition, je tâcherai d’en enchâsser les particularités les plus intéressantes pour le public, et les plus glorieuses pour vous, dans une espèce d’Histoire générale qui va depuis Charlemagne jusqu’à nos jours. Je voudrais que mon greffe fût celui de l’immortalité. Vous m’aiderez à l’empêcher de périr. Il est venu à mon ermitage des Délices des Anglais qui ont vu votre statue à Gênes ; ils disent qu’elle est belle et ressemblante. Je leur ai dit qu’il y avait dans Minorque un sculpteur bien supérieur. Réussissez, monseigneur ; votre gloire sera sur le marbre et dans tous les cœurs. Le mien en est rempli ; il vous est attaché avec la plus vive tendresse et le plus profond respect.

Je me flatte que vous serez bien content de M.  le duc de Fronsac. On dit qu’il sera digne de vous ; il commence de bonne heure.

Oserai-je vous demander une grâce ? Ce serait de daigner vous souvenir de moi, avec M.  le prince de Wurtemberg, qui sert, je crois, sous vos ordres, et qui m’honore des bontés les plus constantes.

Vous m’avez parlé de certaines rapsodies sur Lisbonne et sur la Religion naturelle. Vraiment vous avez bien autre chose à faire qu’à lire mes rêveries ; mais quand vous aurez quelque insomnie, elles sont bien à votre service.