Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3143

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 14-15).

3143. — À M.  BERTRAND,
à berne.
Au. Délices, 30 mars.

Vous direz, mon cher monsieur, que je suis un étourdi, et vous aurez raison. J’envoyai cette lettre à M.  de Seigneux[1] de Correvon, magistrat de Lausanne. Je mis son adresse au lieu de la vôtre. J’étais si malade que je ne savais ce que je faisais. M.  de Seigneux m’a renvoyé la lettre, sans savoir pour qui elle est. Je vous rends votre bien, c’est-à-dire mes hommages et mon cœur, qui sont certainement à vous de droit.

Vous me mandez que Mme  de Giez vous a montré ce dessus de lettre ; c’est pur zèle de sa part. Le cachet était surmonté d’un H : on disait à Lausanne que H voulait dire Haller ; mais ce n’est pas le style d’un homme si respectable. On disait qu’il y a d’autres Haller. Tant mieux pour eux, s’ils ressemblent un peu à grand[2] homme. Mais que ne dit-on pas à Lausanne ?

Je n’entre point dans les tracasseries ; je ne suis point de la paroisse. Je vis dans la retraite, je souffre mes maux patiemment. Je reçois de mon mieux ceux qui me font l’honneur de me venir voir. Je vous aime à jamais, et voilà tout. V.

  1. Gabriel Seigneux, seigneur de Correvon, né à Lausanne vers la fin du xviie siècle ; auteur de quelques ouvrages utiles, mort en 1776, dans sa ville natale.
  2. Dans la bibliothèque cantonale de Berne, ville natale d’Albert de Haller, est un buste avec cette inscription : Le grand Haller. (Cl.)