Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3154

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 26).

3154. — DE M. DUPONT[1].

J’ai reçu vos deux sermons : qu’ils sont beaux, mon révérend père ! Ah ! que j’aurais de goût pour le pain de la parole, si ceux qui le distribuent savaient le pétrir comme vous !

Vous faites ressusciter en moi des germes de sentiments qui languissaient. Vous remontez les ressorts de mon âme, et je m’aperçois que si vous vouliez, vous pourriez bien faire mon esprit, comme il me souvient que vous faisiez votre corps. Quoique vous n’ayez jamais tort avec moi, j’oserai cependant vous dire que le Tout est bien n’est pas mal. Il serait assez gentil que cette leçon fit des progrès. Les conséquences en sont admirables ; mais vous voulez faire votre paix, et vous sacrifiez une assez bonne citadelle dont le parti peut se passer. Votre Loi naurelle est divine. Si les législateurs hébreux et autres parlaient ainsi, quel charme de les écouter ! Je ne vous en dirai pas davantage, mon révérend père, crainte de vous mal louer. Il faudrait savoir parler comme vous pour s’en acquitter dignement. Adieu. Prêchez de temps en temps, et n’attendez pas la fin du carême pour m’envoyer vos sermons, sans quoi je pourrai bien aller en Suisse pour les entendre.

Je ne sais rien dire autre chose à Mme Denis, sinon que je l’admire, et que j’ose l’aimer.

  1. Lettres inédites de Voltaire, etc., 1821.