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Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3157

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 29-30).

3157. — À MADAME DE FONTAINE,
à paris.
Aux Délices, 16 avril.

Les Délices sont un hôpital, ma chère nièce ; nous sommes sur le côté, votre sœur et moi ; notre Esculape-Tronchin ne peut pas être partout. Songez à conserver la santé qu’il vous a rendue. Il arrive bien souvent, dans les maladies chroniques comme les nôtres, qu’un remède agit heureusement les quinze premiers jours, et cesse ensuite de faire son effet. C’est ce que j’ai éprouvé toute ma vie, et que je souhaite que vous n’éprouviez pas.

Dès que votre sœur et moi nous aurons repris un peu de force, nous ferons un petit voyage[1] indispensable. Ne manquez pas de nous écrire toujours aux Délices, et de nous informer de votre marche, afin que nous puissions aller au-devant de vous, et que nous ne soyons pas d’un côté tandis que vous arriverez de l’autre.

Je crois qu’on ne s’embarrasse pas plus à Paris de nos flottes et de la vengeance qu’il faut prendre des Anglais que du système de Pope et de la Loi naturelle. Cependant je suis fâché qu’on ait imprimé mes petits sermons : je les ai rendus beaucoup plus corrects et plus édifiants, avec de belles notes fort instructives pour les curieux. Je vous enverrai tout cela comme je pourrai. Vous voyez que je suis bon Français ; je combats les Anglais à ma façon. Je suis comme Diogène, qui remuait son tonneau pendant que tout le monde se préparait à la guerre dans Athènes.

Je pourrai bien écrire quelque petite flagornerie[2] à notre docteur, si j’ai quelques moments heureux ; mais à présent à peine puis-je dicter une mauvaise lettre en prose, et vous dire combien je vous aime.

Bonsoir, ma chère nièce ; j’embrasse votre frère, et fils, et mari, et tout ce que vous aimez.

  1. À Berne et à Soleure.
  2. Voyez la lettre suivante,