Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3161

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 34).
3161. — À M.  PÂRIS-DUVERNEY[1].
Aux Délices, le 26 avril.

Il y a un mois, monsieur, que je devais vous renouveler mes remerciements, car il y a un mois que je jouis du plaisir de voir s’épanouir sous mes fenêtres les belles fleurs que vous eûtes la bonté de m’envoyer l’an passé. Je fais d’autant plus de cas des plaisirs de cette espèce que malheureusement je n’en ai plus guère d’autres. Pour vous, monsieur, vous jouissez d’un bonheur plus précieux, de la santé, de la considération, et de la gloire que vous avez acquise. Ce sont là de belles fleurs qui valent mieux que des jacinthes, des renoncules, et des tulipes.

Je crois que ni vous ni moi ne serons fâchés d’apprendre la prise de Minorque par M.  le maréchal de Richelieu. Vous vous êtes toujours intéressé à sa gloire, comme je l’ai vu prendre à cœur tout ce qui vous regardait. S’il venge la France des pirateries anglaises, il lui faudra une nouvelle statue à Port-Mahon ; et si les Anglais ont été assez malavisés pour ne pas prendre de justes mesures, ils auront la réputation d’avoir été de bons pirates et de très-mauvais politiques.

Adieu, monsieur ; conservez-moi un souvenir qui me sera toujours infiniment précieux. Vous voulez bien que je présente ici mes très-humbles obéissances à monsieur votre frère[2]. Je le crois à présent à Brunoy, comme vous à Plaisance[3], n’ayant plus l’un et l’autre que des occupations douces qui exercent l’esprit sans le fatiguer. Vivez l’un et l’autre plus que le cardinal de Fleury, avec le plaisir et la gloire d’avoir fait plus de bien à vos amis que jamais ce ministre n’en a fait aux siens, supposé qu’il en ait eu.

  1. Joseph Pâris-Duverney, le troisième des quatre frères Pâris, créateur de l’École militaire, dont il fut intendant ; mort le 17 juillet 1770.
  2. Pâris de Montmarlel.
  3. Maison de campagne de Pâris-Duverney.