Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3185

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 55-56).

3185. — À M. DE BRENLES.
Aux Délices, 15 juin.

On dit le colonel Constant mort[1]. Si cela est, j’en suis très-affligé, et je suis étonné de vivre. Voilà donc, mon cher ami, ce que c’est que ce fantôme de la vie. On s’en plaint, on la maudit, on la prodigue, on l’aime, et elle s’évanouit comme une ombre. Puisse madame votre femme avoir fait un heureux ! Je suis bien sûr au moins qu’elle aura fait un honnête homme et un homme d’esprit.

Toutes vos nouvelles sont aussi fausses que le beau conte qu’on faisait des catholiques qui ne voulaient point d’un catholique à Échallens[2]. Je voudrais bien que la nouvelle touchant le colonel Constant fût aussi fausse. Mille tendres respects à l’accouchée et à tous nos amis.

  1. Il est probablement question ici de Philippe-Germain Constant, colonel dans le régiment de Chambrier, au service de Hollande, et second des quatre fils du lieutenant général Constant de Rebecque. Le colonel Constant n’était âgé que de vingt-huit ans quand il mourut : c’était un jeune homme de beaucoup d’esprit. — Le lieutenant général Constant, que Voltaire, dans sa lettre du 21 janvier 1765, à Richelieu, appelle gros diable de général au service de Hollande, avait cinq enfants, savoir :

    1° Constant d’Hermenches, appelé bel Orosmane, dans la lettre du 6 février 1757, à d’Argental ;

    2° Philippe-Germain Constant, dont il s’agit dans la lettre ci-dessus ;

    3° Juste-Louis Constant de Rebecque, mort le 3 février 1812 à Brevans près de Dôle ; père de Henri-Benjamin Constant, né à Lausanne le 25 octobre 1767 ;

    4° Samuel Constant de Rebecque, né en 1729, mort en octobre 1800 ; il était major, au service de Hollande, dans le régiment Cornabé, qu’il quitta un an après son mariage avec Charlotte Pictet, fille du professeur en droit avec lequel Voltaire fut en correspondance ; il était homme de lettres, et Benjamin Constant lui a consacré un article dans la Biographie universelle ; après son mariage on l’appela Constant-Pictet, pour le distinguer de ses autres frères ;

    5° La marquise de Gentil, qui demeurait à Mon-Repos, dans un faubourg de Lausanne, et chez laquelle Voltaire eut une salle de théâtre où il jouait avec ses acteurs de société.

    La famille Constant de Rebecque est originaire d’Aire en Artois, ou Aire-sur-la-Lys, petite ville du département du Pas-de-Calais. (Cl.)

  2. Bourg à trois lieues de Lausanne.