Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3210

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 79-80).

3210. — DE M. D’ALEMBERT.
À Lyon, ce 28 juillet.

Puisque la montagne ne veut pas venir à Mahomet, il faudra donc, mon cher et illustre confrère, que Mahomet aille trouver la montagne. Oui, j’aurai dans quinze jours le plaisir de vous embrasser et de vous renouveler l’assurance de tous les sentiments d’admiration que vous m’inspirez. Je compte être à Genève au plus tard le 10 du mois prochain, et y passer le reste du mois. Je vous y porterai les vœux de tous vos compatriotes, et leur regret de vous voir si éloigné d’eux. Je m’arrête ici quelques jours pour y voir un très-petit nombre d’amis qui veulent bien me montrer ce qu’il y a de remarquable dans la ville, et surtout ce qu’il peut être utile de connaître pour le bien de notre Encyclopédie. Je me refuse à toute autre société, parce que je pense avec Montaigne[1] « que d’aller de maison en maison faire montre de son caquet, est un métier très-messéant à un homme d’honneur ». Nous avons ici une comédie détestable et d’excellente musique italienne médiocrement exécutée. Le bruit a couru ici que vous deviez venir entendre Mlle Clairon, dans la nouvelle salle, et voir jouer ce rôle d’Idamé qui a fait tourner la tête à tout Paris. Je craignais fort que vous ne vinssiez à Lyon pendant que j’irais à Genève, et que nous ne jouassions aux barres ; mais on me rassure en m’apprenant que vous restez à Genève. La nouvelle salle est très-belle et digne de Soufflot, qui l’a fait construire. C’est la première que nous ayons en France, et je serais d’avis d’y mettre pour inscription :


· · · · · · · · · · longo post tempore venit.

(Virg., ecl. I, V. 30.)

Adieu, mon cher et illustre confrère ; rien n’est égal au désir que j’ai de vous embrasser, de vous remercier de toutes vos bontés pour nous, et de vous en demander de nouvelles. Permettez-moi d’assurer mesdames vos nièces de mes sentiments. Vale, vale.

  1. Livre III, chapitre viii.