Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3216

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 84-85).

3216. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
7 août.

Mon divin ange, voici le Botoniate achevé et réparé à peu près comme vous l’avez voulu. L’auteur[1] est un homme très-aimable, et porte un nom qui doit réussir à Paris. Je ne doute pas que les comédiens n’acceptent une pièce qui vaut beaucoup mieux que tant d’autres qu’ils ont jouées, et je doute encore moins du succès quand elle sera bien mise au théâtre. Je vous demande vos bontés, et nous sommes deux qui serons pénétrés de reconnaissance.

Mon cher ange, les bras ensanglantés[2] sont bien anglais ; mais, si on les souffre, je les souffre aussi.

Si cet honnête La Beaumelle est enfermé[3], je n’en suis pas surpris ; il avait dit dans ses Mémoires, en parlant de la maison royale : « On s’allie plaisamment dans cette maison-là. »

On dit qu’il avait fait imprimer une Pucelle en dix-huit chants, pleine d’horreurs.

Je ne savais pas que ce fût M. de Sainte-Palaye[4] qui m’eût honoré du Glossaire ; voulez-vous bien lui donner le chiffon ci-joint ?

La poste part ; je n’ai que le temps de vous dire que vous êtes le plus aimable et le plus regretté des hommes.

  1. Fr. Tronchin, conseiller d’État de Genève.
  2. Allusion à Lekain jouant le rôle de Ninias dans Sémiramis.
  3. Mis pour la seconde fois à la Bastille, le 6 août 1756, La Beaumelle n’en sortit que le 1er septembre 1757.
  4. J.-B. de La Curne de Sainte-Palaye, né à Auxerre en 1697, mort le 1er mars 1781, avait publié le Projet d’un glossaire français, 1756, in-4°. Aucune des lettres que lui adressa Voltaire n’a encore vu le jour. (B.)