Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3226

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 103).

3226. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[1].
Au Délices. 27 août.

Vraiment, monseigneur, je suis un plaisant homme pour venir faire ma cour à mon héros. Je suis dans mon lit, n’en pouvant plus, et j’ai une nièce qui se meurt : ce n’est pas votre protégée Denis, c’est sa sœur. Conservez votre santé : un général d’armée en a grand besoin, et probablement vous ne vous en tiendrez pas à la prise de Mahon. Vous donnez à M. le duc de Fronsac une éducation singulière ; je crois que peu de personnes de son espèce auront vu au même âge d’aussi grandes choses que lui. Je crois que ma chère Marie-Thérèse a bien envie de prendre ce temps-là pour reprendre, si elle peut, la Silésie. Nous attendons toujours des nouvelles consolantes de quelque petit commencement d’hostilités : le feu peut se mettre tout d’un coup aux quatre coins de l’Europe ; quel plaisir pour vous autres héros !

Je meurs de douleur de ne pas venir vous contempler tout rayonnant de gloire. Je me dépique en vous fourrant dans une grande diable d’Histoire générale que j’ai commencée par Charlemagne, et que je finis par vous. J’ai pris l’expédition de Mahon pour ma dernière époque. Cela me soulage dans mon état de malingre. Je fais mille vœux pour vous. Jouissez longtemps et gaiement de toute votre gloire, et conservez vos anciennes bontés pour votre ancien adorateur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.