Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3361

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 212-213).

3361. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Monrion, 26 mai.

Feu l’amiral Byng vous assure de ses respects, de sa reconnaissance, et de sa parfaite estime ; il est très-sensible à votre procédé, et meurt consolé par la justice que lui rend un si généreux soldat, so generous a soldier ; ce sont les propres mots dont il a chargé son exécuteur testamentaire ; je les reçois dans le moment, en arrivant à Monrion, avec les pièces inutilement justificatives de cet infortuné.

C’est là, mon héros, tout ce que je puis vous dire de l’Angleterre, où les amis et les ennemis de l’amiral Byng rendent justice à votre mérite.

Je crois qu’on ne se doutait pas, en France, de la campagne à la Turenne que fait le roi de Prusse. Faire accroire aux Autrichiens qu’il demande des palissades, sous peine de l’honneur et de la vie, pour mettre Dresde hors d’insulte ; entrer en Bohême par quatre côtés, à la méme heure ; disperser les troupes ennemies, s’emparer de leurs magasins ; gagner une victoire signalée[1] sans laisser aux Autrichiens le temps de respirer ! vous avouerez, monseigneur, vous qui êtes du métier, que la belle campagne du maréchal de Turenne ne fut pas si belle. Je ne sais jusqu’à quel point de si rapides progrès pourront être poussés ; mais on prétend qu’il envoie vingt mille hommes au duc de Cumberland, et que bientôt on verra les Prussiens se mesurer contre les Français. Tout ce que je sais, c’est qu’il en a toujours eu la plus forte envie. S’il y a une bataille, il est à croire qu’elle sera bien meurtrière.

Parmi tant de fracas, conservez votre bonne santé et votre humeur. Daignez, monseigneur, ne pas oublier les paisibles Suisses, et recevez avec votre bonté ordinaire les assurances de mon tendre et profond respect. V.

  1. Celle du 6 mai.