Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3433

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 282).
3433. — À M. VERNES[1]i.
À Lausanne, ce 18…

Je vous remercie, mon cher ami, de la belle catéchèse. Je vous prie de pousser la bonté d’âme jusqu’à dire que je suis très-content, et que surtout j’admire la modération avec laquelle elle est écrite.

Je ne crois pas qu’avant Charles-Quint, François 1er et Henri VIII, on ait connu une balance politique. Le premier modèle de cette balance peut se trouver en Grèce, dans les guerres des Athéniens, des Spartiates et des Thébains. Mais ce système ne sortit point de la Grèce, et il ne paraît pas qu’on l’ait suivi contre les Romains, qui mangèrent les nations une à une, sans qu’il y eût de véritables ligues formées pour arrêter ces brigands. Personne ne songea à établir une balance contre le tyran Karl, surnommé Magne. Enfin, je ne vois cette politique bien clairement établie que par les Médicis en Italie, et par Henri VIII dans une grande partie de l’Europe.

Continuez l’histoire de votre patrie ; ce travail vous fera beaucoup d’honneur. Vous avez raison de dire que Calvin joue le rôle de Cromwell dans l’affaire de l’assassinat de Servet. Hélas ! ce pauvre Servet avait déclaré nettement que la divinité habitait en Jésus-Christ, et plus nettement qu’on ne le déclare aujourd’hui. Puisse l’Être éternel faire miséricorde à Jehan Chauvin de Noyon, en Picardie, pour un si grand crime !

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.