Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3436

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 286-287).

3436. — DE M. TRONCHIN, DE LYON[1].
Lyon, 24 octobre.

J’ai reçu, monsieur, avant-hier la lettre dont vous m’avez honoré le 20, et hier je fus en campagne pour la communiquer à la personne. Je lui en fis lecture ; bien loin de la regarder comme un songe, il en a été enchanté. « Apparemment, dit-il, que si ce projet s’exécute, le paquet de madame la margrave lui parviendra par vous, monsieur ? » Je lui ai répondu que vous suivriez la même route commencée. Il est bien content des vers galants que vous avez faits pour Mme de Montferrat, et très-sensible à toutes les politesses dont vous l’avez comblée.

Si vous usez de comparaison avec la réception faite il y a trois ans, vous devez le trouver extraordinaire ; mais je vous prie d’observer la circonstance de ses places et les avis qu’il avait alors de la cour. Je puis bien vous assurer de la répugnance qu’il avait et de son penchant à être agréable à tous. Dans cet intervalle de temps, la façon de penser a bien changé ; on arrive au vrai par la communication des idées, et s’il avait le plaisir de vous voir à présent, vous en seriez aussi édifié que vous l’avez été peu. Il y a quelque temps que je lui entendis faire publiquement votre éloge, et il y avait des gens de même étoffe que lui.

Mon suffrage sur votre excellente lettre n’est pas d’un grand poids ; mais je ne puis assez vous dire combien je suis content, et combien je désire que des vues aussi sages et utiles à l’Europe soient couronnées du succès par la continuation de vos soins éclairés et les suites de votre crédit sur l’esprit du roi de Prusse et de madame sa sœur, et leur confiance en vous. De mon côté, je ne perdrai pas un instant pour tout ce dont je serai chargé.


NOTE EN RÉPONSE, DICTÉE PAR M. LE CARDINAL DE TENCIN
à m. tronchin.

Le plan est admirable ; je l’adopte en entier, à l’exception de l’usage qu’il voudrait faire de moi en me mettant à la tête de la négociation. Je n’ai besoin ni d’honneurs ni de biens, et, comme lui, je ne songe qu’à vivre en évêque philosophe. Je me chargerai très-volontiers de la lettre de madame la margrave, et je pense qu’elle ferait très-bien, dans la lettre qu’elle m’écrira, d’y mettre les sages réflexions que M. de Voltaire emploie dans la sienne, concernant l’agrandissement de la maison d’Autriche. Elle ferait bien de me dire quelque chose de flatteur pour l’abbé de Bernis, qui a les affaires étrangères et le plus grand crédit à la cour.

Apparemment que si ce projet s’exécute, le paquet de madame la margrave me parviendra par M. de Voltaire.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.