Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3454

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 300-301).

3454. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[1].
Aux Délices, 19 novembre 1757.

Vous devez, dites-vous, vivre et mourir en roi ;
Je vois qu’en roi vous savez vivre :
Quand partout on croit vous poursuivre,
Partout vous répandez l’effroi.
À revenir vers vous vous forcez la victoire ;
Général et soldat, génie universel,
Si vous viviez autant que votre gloire,
Vous seriez immortel.


Sire, je dois remplir à la fois les devoirs d’un citoyen et ceux d’un cœur toujours attaché à Votre Majesté, être fâché du malheur des Français, et applaudir à vos admirables actions, plaindre les vaincus et vous féliciter.

Je supplie Votre Majesté de daigner me faire parvenir une relation. Vous savez que depuis plus de vingt ans votre gloire en tout genre a été ma passion. Vos grandes actions m’ont justifié. Souffrez que je sois instruit des détails. Accordez cette grâce à un homme aussi sensible à vos succès qu’il l’a été à vos malheurs, qui n’a jamais cessé un moment de vous être attaché, malgré tous les géants dont on disséquerait la cervelle, et malgré la poix résine dont on couvrirait les malades.

Je ne sais si une âme exaltée prédit l’avenir. Mais je prédis que vous serez heureux, puisque vous méritez si bien de l’être,

  1. Der Freymuthige, Berlin, 1803, pages 89 et 90.