Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3455

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 301).

3455. — À M.  LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
Aux Délices, novembre.

Mme  Denis est malade, mon cher ami ; je lui lis, d’une voix un peu cassée, vos histoires amoureuses d’Egypte et de Syrie[1]. Vous faites nos plaisirs dans notre retraite. Mme  Denis est, à la vérité, un peu paresseuse ; mais vous savez qu’une femme qui souffre sur sa chaise longue, au pied des Alpes, a peu de choses à mander ; c’est à vous, qui êtes au milieu du fracas de Paris, au centre des nouvelles et des tracasseries, à consoler les malades solitaires par vos lettres. Nous avons renoncé au monde ; mais nous l’aimerions si vous nous en parliez. Nous pensons qu’un homme qui écrit si bien les aventures syriaques et égyptiennes pourrait nous égayer beaucoup avec les parisiennes ; mais vous ne nous en dites jamais un mot. Cela refroidit le zèle de Mme  Denis ; elle dit qu’elle s’intéresse presque autant à ce qui se passe entre Mersbourg et Weissenfeld qu’à ce qui s’est fait à Memphis. Nous sommes consternés de la dernière aventure. Ma nièce croyait que cinquante mille Français pourraient la venger des quatre baïonnettes de Francfort. Elle s’est trompée.

Elle vous fait mille tendres compliments ; et je vous renouvelle, du fond de mon cœur, les sentiments qui m’attachent à vous depuis si longtemps.

Nous avons une comédie nouvelle, que nous jouerons à Lausanne ; y voulez-vous un rôle ?

  1. Les Dangers des passions (par Thibouville), 1758 (fin 1757), deux volumes in-12. (B.)