Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3475

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 319-320).

3475. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[1].
7 décembre.

Vous devez savoir la journée des dix-sept ponts jetés en même temps sur l’Oder, des treize attaques faites à la fois aux retranchements prussiens, et du sang répandu pendant six heures, et des Prussiens battus, et de leurs canons pris, et de leur retraite dans Breslau, et de Breslau bloquée. J’attends de Vienne un plus ample détail. Voilà ce qu’on m’a marqué en gros et à la hâte, à l’arrivée des postillons cornant du cor et annonçant dans Vienne, le 25 novembre, cette grande affaire du 22, qui nous venge et qui nous humilie.

Je serai bien stupéfait si on veut écouter à Versailles des propositions du roi de Prusse ; ce qu’on y craint le plus, après le feu roulant, c’est de donner le plus léger ombrage à l’impératrice. On ne peut plus séparer ce qu’un moment a uni. Le roi de Prusse peut encore donner une bataille, dire des bons mots, plaire aux vaincus, et déchirer des draps pour faire des bandages aux blessés ; c’est ce qu’il fit le 5 novembre au soir ; mais, à la fin, il faut qu’il succombe, à moins qu’on ne se conduise comme en 1742. Je ne sais encore nulle nouvelle positive de la fidélité des Hanovriens et des Hessois ; mais il est bien sûr que, sans les Autrichiens, nous serions perdus.

Qui aurait dit au cardinal de Richelieu que les Français devraient un jour leur salut en Allemagne aux armes autrichiennes, l’eût bien étonné. Cosi va il mondo. Fan lega ogni, re, papi, imperadori ; doman saranno capitali nemici.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.