Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3533

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 375-376).

3533. — À M.  DIDEROT.

Voilà deux lettres de suite[1], monsieur ; mais il faut que je me confie à votre discrétion, à votre probité, à votre zèle pour la philosophie. On vous engage à demander une rétractation à M.  d’Alembert. Il se déshonorerait à jamais, lui et le Dictionnaire. S’il avait révélé un secret, il aurait eu tort ; mais il a imprimé publiquement ce qui est très-public. Le livre où le professeur Vernet, professeur de la science absurde, dit que la révélation est de quelque utilité, et ne dit pas un mot de l’enfer, ni de la très-sainte et individuelle Trinité, ce livre est imprimé à Genève. On ne le lit point, je l’avoue ; mais il existe. De quoi s’avisent aujourd’hui les prédicants de Genève de renier leur foi ? Craignent-ils de manquer de soutiens ? Ne pense-t-on pas comme eux dans toute l’Angleterre, dans la moitié de la Hollande, dans tous les États du roi de Prusse ? On touche à une grande révolution dans l’esprit humain, et on vous en a, monsieur, la principale obligation. L’article[2] dont on fait semblant de se plaindre est un coup important dont il ne faut pas perdre le fruit. Il démasque les ennemis de l’Église, et c’est beaucoup ; il les force, ou à s’avilir en reniant leur créance, ou à convenir tacitement qu’on ne les a pas calomniés. En un mot, il serait infâme que le Dictionnaire encyclopédique se rétractât d’une assertion avancée en connaissance de cause par un témoin oculaire. Il est de la dernière importance que M.  d’Alembert continue à vous aider, et qu’on ne souffre dans le Dictionnaire rien de ce qu’on a dit dans l’article en question. Ne vous laissez entamer par personne, et songez qu’il faut faire justice des Garasses.

  1. D’après ce début, on doit croire que cette lettre a suivi de près le n° 3522.
  2. L’article Genève, par d’Alembert, dans l’Encyclopédie.