Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3578

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 421).
3578. — À M. LE COMTE DE TRESSAN.
Lausanne, 7 mars.

Je reçois, mon adorable gouverneur, une lettre de l’abbé Légier, qui ne me paraît pas en effet de la même écriture que son premier envoi[1] ; mais je peux me tromper. J’étais fort malade, et je vis à peine la signature. Cette première fois il paraît repentant.

Je prends la liberté de vous adresser la réponse que je lui fais. Il y a quelque apparence qu’elle ne lui parviendrait pas par la poste, puisqu’il dit n’avoir pas reçu le paquet à lui envoyé.

Je pense que cette noirceur est une affaire finie. Il est pourtant assez singulier que le maître de la poste dise n’avoir pas reçu ce paquet renvoyé. Cela pourrait faire croire que le maître de la poste a été du complot ; je n’y entends rien. Vous êtes sur les lieux, et votre place vous autorise à vous faire rendre compte de cette malversation du commis des postes, supposé qu’en effet il soit coupable de la suppression d’un paquet.

Je vous demande bien pardon de toutes les libertés que je prends avec vous ; mais, après les extrêmes bontés que vous m’avez témoignées dans cette affaire où l’on a l’insolence de vous compromettre, après les marques d’amitié que vous m’avez données et que je n’oublierai de ma vie, je trouve dans vos bontés mêmes l’excuse de toutes les peines que je vous donne.

Vous savez la mort du cardinal de Tencin ; son chapeau pourra couvrir la tête de l’abbé de Bernis. Vous voilà actuellement sous la coupe de M. le gouverneur[2] de Metz. Si, en se chargeant du ministère de la guerre, il voulait troquer avec vous de gouvernement, ce serait une bonne affaire.

On assure que les Russes sont maîtres de tout le royaume de Prusse ; que l’armée du prince de Clermont est entre Zell et Lunébourg, et qu’on s’attend à une bataille. Moi, je n’assure rien, sinon que je vous serai attaché jusqu’au dernier moment de ma vie, avec la plus tendre et la plus respectueuse reconnaissance. V.

  1. Voyez une note de la lettre 3554.
  2. Louis-Marie Fouquet, comte de Gisors, né en 1732, blessé mortellement le 23 juin 1758, à la bataille de Crevelt.