Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3591

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 432).

3591. — À M.  LE BARON DE ZURLAUBEN.
Aux Délices, près de Genève.

Vous me donnez, monsieur, une extrême envie de vous obéir, mais vous ne pouvez me donner le talent de faire quelque chose d’heureux qui remplisse votre idée, et qui plaise au public et à vous. La langue française n’est guère propre aux inscriptions et aux épigraphes ; cependant, si vous en voulez souffrir une médiocre à la tête d’un bon livre, et au bas du portrait du duc de Rohian, en voici une que je hasarde, uniquement pour obéir à vos ordres. Puisqu’il s’agit du petit pays et de la petite guerre de la Valteline, ne trouvez pas mauvais que je trouve le théâtre petit ; c’est assez que votre héros ne le soit pas.


Sur un plus grand théâtre il aurait dû paraître ;
Il agit en héros, en sage il écrivit ;
Il fut même un grand homme en combattant son maître,
Et plus grand lorsqu’il le servit.


Vous voudriez, sans doute, de meilleurs vers, monsieur, et moi aussi ; mais il y a longtemps que j’ai renoncé à rimer. Une chose à laquelle je sens que je ne renoncerai jamais, c’est aux sentiments d’estime que je vous dois, et à l’envie de vous plaire. Pardonnez cette courte prose et ces plats vers à un pauvre malade.