Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3649

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 487-488).

3649. — À M. LE COMTE ALGAROTTI.
Aux Délices, 2 septembre.

Ritorno dalle sponde del Reno alle mie Delizie ; qui vedo la signora[1] errante ed amabile ; qui leggo, mio caro cigno di Padova, la vostra vezzoza lettera. Siete dunque adesso a Bologna la grassa, ed avete lasciato Venezia la ricca. E, per tutti i santi, perchè non venire al nostro paese libero, voi che vi dilettate ne viaggiare, voi che godete d’amici, d’applausi, di novi amori, dovunque andate ? Vi è più facile di venire tra i Pappa-fighi che non è a me di andare fra i Papimani. Ov’è la raccolta delle vostre leggiadre opere ? dove la potro io trovare ? dove l’avete mandata ? per qual via ? non lo so. Aspetto li figlinoli per consolarmi dell’assenza del padre. Voi passate i vostri begli anni tra l’amore e la virtù. Orazio vi direbbe :


Quum tu, inter scabiem tantam, et contagia lucri,
Nil parvum sapias, et adhuc sublimia cures.

(Lib. I, épist. xii, 14.)

Ed il Petrarca soggiugnerebbe :


Non lasciar la magnanima tua impresa.


La signora di Bentinck è, come il re di Prussia, condannata dal Consiglio aulico, e questa povera Marfisa non è seguita da un esercito per difendersi[2].

Cette pauvre milady Blakaker, ou comtesse de Pimbesche, va encore plaider à Vienne. C’est bien dommage qu’une femme si aimable soit si malheureuse ; mais je ne vois partout que des gens à plaindre, à commencer parle roi de France, l’impératrice, le roi de Prusse, ceux qui meurent à leur service, ceux qui s’y ruinent, et à finir par d’Argens.


Félix qui potuit rerum cognoscere causas !
Fortunatus et ille deos qui novit agrestes !


Le premier vers est pour vous, le second pour moi. Pour milady Montagne[3], je doute que son âme soit à son aise. Si vous la voyez, je vous supplie de lui présenter mes respects.


Farewell, flos Ilaliœ, farcwell, wise man
Whose sagacity has found the secret
To part from Argaleon[4] without being
Molested by him.


Si jamais vous repassez les Alpes, souvenez-vous de votre ancien ami, de votre ancien partisan


le Suisse Voltaire.

  1. La comtesse de Bentinck ; voyez ci-après, la lettre 3687.
  2. Traduction : Je suis de retour des bords du Rhin à mes Délices ; là, je vois la dame errante et aimable ; là je lis, mon cher cygne de Padoue, votre charmante lettre. Vous êtes donc maintenant à Bologne la grasse, et vous avez quitté Venise la riche. Et, par tous les saints, pourquoi ne pas venir dans notre pays libre, vous qui aimez à voyager, vous qui trouvez des amis, des applaudissements, de nouvelles amours, partout où vous allez ? Il vous est plus facile de venir parmi les Papefigues qu’à moi de me rendre chez les Papimanes. Où en est le recueil de vos agréables ouvrages ? Où pourrai-je le trouver ? Où l’avez-vous expédié ? par quelle voie ? je ne le sais. J’attends les enfants pour me consoler de l’absence du père. Vous passez vos belles années entre l’amour et la vertu. Horace vous dirait… et Pétrarque ajouterait : N’abandonnez pas votre magnanime entreprise. La comtesse de Bentinck est comme le roi de Prusse, condamnée par le Conseil aulique, et cette pauvre Marphise n’est pas suivie d’une armée pour la défendre.
  3. Cette dame était alors à Venise ou dans les environs.
  4. Allusion à Frédéric II, qu’Algarotti avait quitté sans se brouiller avec lui.