Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3665

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 507-508).

3665. — À M.  HENNIN.
Aux Délices, 25 septembre.
(partira quand pourra.)

La lettre[1] dont vous m’honorez, monsieur, marque bien la bonté de votre cœur. Vous voulez bien vous souvenir d’un homme qui n’a d’autre mérite que d’avoir été infiniment sensible au vôtre, et vous avez rempli pour feu notre pauvre Patu[2] des devoirs dont les amitiés ordinaires se dispensent. J’ignore si mes remerciements vous trouveront encore à Turin ; je présume que vous laissez partout votre adresse, et qu’on peut vous écrire en toute sûreté. Je vous demanderai en grâce de revoir mon ermitage, au retour de vos voyages ; mais c’est une chose que je désire plus que je ne l’espère. Vous me retrouverez aussi tranquille que vous m’avez laissé, et probablement je ne sortirai pas de chez moi pendant que vous courrez le monde.

Vous reviendrez


· · · · · · · · · · spolis Orientis onustus.

(Virg.,. Æneid., lib. I, v. 293.)


Personne n’a jamais mis plus à profit ses voyages ; vous vous instruisez de tout, en attendant que vous soyez fixé par quelque poste agréable. Il n’en est point dont vous ne soyez digne. Vous avez devant vous l’avenir le plus flatteur ; vous joindrez toujours l’étude aux affaires, et par là votre vie sera continuellement et solidement occupée. Je ne connais point d’état préférable au vôtre. Il est d’autant plus agréable qu’il est de votre choix, et que le roi vous paye pour satisfaire votre goût.


Quid voveat dulci nutricula majus alumno ?

(Hor., lib. I, ep. IV, v. 8.)

Vous aurez sans doute entendu dire, comme nous, de bien fausses nouvelles ; que les Russes ont battu le roi de Prusse, dans un second combat qui ne s’est point donné, et que les Anglais ont levé le siège de Louisbourg, dont ils sont en pleine possession. Le monde est composé de mensonges, ou proférés, ou manuscrits, ou imprimés. Mais une vérité sur laquelle vous pouvez compter, monsieur, c’est que vous êtes regretté partout où vous avez paru, et particulièrement dans l’ermitage de votre très-humble et obéissant serviteur.


Le vieux Suisse V.

  1. Hennin avait écrit de Turin à Voltaire, le 17 septembre ; voyez no 3659.
  2. Voyez page 497.