Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3739

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Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 569).

3739. — À M.  DE BRENLES.
Aux Délices, décembre.

· · · · · · · · · · Agréable colère !
Digne ressentiment à votre ami bien doux !

(Corneille, le Cid, acte I, scène viii.)

Je suis enchanté, mon cher ami, de savoir que tous vos beaux-frères sont dignes de l’être. Quoi ! vous avez trois beaux-frères prêtres, et tous trois honnêtes gens ! vous êtes un homme unique. Le prêtre qui m’avait dit que le catéchiste de Vevay ne savait pas son catéchisme est tombé là dans une grande erreur, mais il n’est pas coupable de malice : Errare humanum est, sed perseverare diabolicum, aut sacerdotale[1] On m’a mandé aussi qu’il y avait eu une cabale sacerdotale contre notre ami Polier, et qu’on avait pris pour le mortifier la main de l’auteur du libelle. Il paraît qu’à Lausanne l’oisiveté est un peu la mère du vice ; je ne parle pas des laïques : les gens du monde sont honnêtes gens. Nota bene que parmi eux je ne compte point les libraires.

Oui, les Anglais sont des bavards ; leurs livres sont trop longs. Bolingbroke, Shaftesbury, auraient éclairé le genre humain s’ils n’avaient pas noyé la vérité dans des livres qui lassent la patience des gens les mieux intentionnés ; cependant il y a beaucoup de profit à faire avec eux.

Après tout, mon cher ami, ils ne nous disent que ce que nous savons, et encore n’osent-ils pas écrire aussi librement que nous parlons, vous et moi, quand j’ai le bonheur de jouir de votre entretien. Je vous regrette beaucoup cet hiver ; je suis homme à venir faire un tour à Lausanne pour vous embrasser. Mille tendres respects à votre chère philosophe.

  1. Cette finale est de Voltaire. (Cl.)