Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3852

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Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 102-103).

3852. — À M.  LE PRÉSIDENT DE BROSSES[1].
Au Délices, 20 mai[2].

Les fermiers généraux, monsieur, m’ont envoyé la copie d’une lettre de M.  le garde des sceaux de Chauvelin à M.  de La Closure, résident du roi à Genève, du 20 décembre 1758, par laquelle les droits de contrôle, insinuation, centième denier, sont compris dans tous les autres droits dont les terres de l’ancien dénombrement sont exemptes, par ordre du roi : donc il n’est point dû de centième denier pour le bail à vie de Tournay. Si ce bail à vie est regardé comme mutation, vous perdez tous vos droits ; tous avez vendu votre terre à un Français, elle est déchue de ses priviléges.

Vous m’avez vendu votre terre à vie, monsieur, et tous savez que je ne l’ai achetée que parce qu’elle était libres[3]. Vous m’avez garanti les franchises et les lods et ventes. Vous m’avez donné votre parole d’honneur, qui vaut encore mieux que votre garantie par écrit.

Je réclame l’une et l’autre pour vous et pour moi. Courez[4], je vous en conjure, chez M.  de Chauvelin, l’intendant des finances ; faites-lui sentir la conséquence de cette affaire. Conservez-moi cette liberté, qui me coûte assez cher.

Vous pourriez d’ailleurs parler à monsieur l’intendant de Bourgogne. Je vous supplie de l’engager à ne point troubler le repos de ma vie ; elle a été assez malheureuse. Que je vous doive d’être oublié ! Je suis un Suisse ; je veux mourir Suisse et votre obligé. V.

N. B. J’écris la lettre la plus pressante à M.  de Faventine, fermier général, et à M.  de Chalus, chargés des droits du domaine. Pourriez-vous les voir ? Mais surtout que monsieur l’intendant ne m’inquiète jamais, et que je vous en aie l’obligation. V.

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Quinze jours avant, par une lettre qui ne s’est pas retrouvée, Voltaire revenait sur la clause de l’acte relative aux meubles de Tournay, pressant M.  de Brosses de s’en départir, ce que ce dernier ne lui accorda qu’en 1768. (Note du premier éditeur.)
  3. C’est ce qui ne résulte pas précisément de la proposition d’achat ; Voltaire toutefois le mandait ainsi à d’Argental (5 mai 1759).
  4. Le président de Brosses était alors à Paris.