Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3967
J’ai été bien charmé, monsieur, de recevoir la lettre[1] que Colini m’a apportée. J’ai été bien aise de faire sa connaissance. Il paraît avoir beaucoup d’esprit et de mérite.
J’espère bien avoir la satisfaction, l’année prochaine, de vous revoir. Je suis bien mortifié d’en avoir été privé celle-ci. Faites toujours d’aussi beaux poëmes qu’Homère, mais ne devenez pas aveugle comme lui : tous les amateurs de la bonne littérature y perdraient trop.
Comme vous donnez présentement dans le Vieux Testament[2], ne croyez-vous pas le livre de Job susceptible d’une belle poésie ? Je vous l’ai entendu louer bien souvent. C’est un temps actuellement où l’on a besoin d’être excité à la patience. Bien des gens sont aujourd’hui aussi mal à leur aise que Job l’était sur son fumier. Vous vivez dans la tranquillité ; mais j’espère qu’on en jouira bientôt partout, et que j’aurai le plaisir de vous assurer ici de la vraie estime que j’aurai toujours pour le petit Suisse.