Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4015

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Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 269).
4015. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, 4 janvier.

Madame, le paquet de ce banquier que Votre Altesse sérénissime protège arriva deux heures après que je l’eus informée que je ne l’avais pas reçu. Les affaires qu’il discute avec les créanciers de nos quartiers sont un peu épineuses : je les ai vivement recommandées au syndic de Genève. Comment n’aurais-je pas infiniment à cœur, madame, les choses auxquelles elle s’intéresse ? Je ne les entends point ; mais je presse comme si je les entendais. Peut-être le syndic de Genève ne les entend-il guère mieux que moi, car on dit que c’est un chaos, et qu’il faudrait un dieu pour le débrouiller ; mais les dieux ne se mêlent pas des affaires des banquiers : puissent-ils finir bientôt, madame, les déplorables affaires de l’Europe ! C’est là qu’est le vrai chaos. Les quatre éléments se combattent et sont confondus ensemble ; quel Jupiter les remettra chacun à sa place ?

Je crois qu’Arminius est le nom de baptême du prince héréditaire de Brunswick. Homère dit quelque part : Il fit trois pas, et au troisième il fut au bout du monde. C’est bien aller, M.  le prince de Brunswick voyage à peu près dans ce goût.

Hélas ! quand pourrai-je, moi chétif, faire cent mille pas pour me faire introduire à vos pieds, madame, par la grande maîtresse des cœurs, pour renouveler à Votre Altesse sérénissime le respect le plus profond et le plus tendre, ainsi qu’à votre auguste maison ?

  1. Éditeurs, Bavoux et François.