Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4113

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Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 377).

4113. — À M.  JOLY DE FLEURY[1],
intendant de bourgogne[2].
Aux Délices, 2 mai 1760.

Voici, monsieur, l’écrit que MM.  les commissaires Moussard et Saladin (délégués de la république de Genève pour signer le traité de 1749 avec les commissaires du roi) m’avaient remis, et qu’ils étaient prêts à signer lorsqu’on les a fait apercevoir qu’il fallait une délibération du conseil pour délivrer un acte en chancellerie concernant les traités de la république[3]. Le paquet que j’ai l’honneur de vous envoyer n’est point juridique, mais il est de la main du syndic Moussard. Je ne peux avoir un certificat dans les formes que moyennant un ordre signé de vous, qui m’autorise à le demander.

En attendant, monsieur, que je puisse remplir cette formalité, cet écrit de la main de M.  Moussard vous convaincra au moins qu’avant la transaction passée en 1749 entre le roi et Genève, cette ville avait la haute justice de tous les fiefs de Saint-Victor, et par conséquent de la Perrière. Le roi est haut justicier de cet endroit depuis 1749, et jamais le seigneur de Tournay n’a pu avoir cette juridiction.

J’attends vos ordres, et suis avec respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.
  1. Éditeur, H. Beaume. — Cette lettre est aux Archives de la Cote-d’Or.
  2. Jean-François Joly de Fleury de La Valette, intendant de Bourgogne de 1749 à 1761.
  3. Dans le cours de l’année 1758, un Suisse nommé Panchaud, qui habitait la Perrière, près de Prégny, sur la frontière de France et de Genève, donna un coup de sabre à un Savoyard qu’il avait surpris en flagrant délit de vol de noix. Panchaud fut poursuivi devant le bailliage de Gex, qui le condamna au bannissement et à 100 livres d’amende envers le seigneur haut justicier de Prégny et Tournay, c’est-à-dire envers Voltaire. Celui-ci fit d’abord peu d’attention à la sentence, mais lorsqu’on lui présenta la carte à payer, ou en d’autres termes un mémoire de 600 livres de frais occasionnés par la procédure, qui retombaient naturellement à la charge du seigneur sur la terre de qui l’attentat avait été commis, il se récria vivement, et soutint que la Perrière ne dépendait pas de Tournay, mais relevait directement du roi, à qui ce lambeau de terre avait été cédé, selon lui, par la république de Genève en 1749.