Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4133
Mon cher et grand philosophe, j’ai suivi vos conseils : j’ai retiré ma pièce ; je n’ai pas voulu que les comédiens jouassent quelque chose de moi immédiatement après avoir déshonoré la nation. Comme je ne donnais mon très-faible drame[1] ni par vaine gloire, ni par intérêt, et que j’abandonne tout aux comédiens, je ne perds rien à mon sacrifice.
Je n’ai point vu la pièce contre les philosophes ; j’en ignore jusqu’au titre. Il pleut des monosyllabes. On m’a envoyé les Que, on m’a promis les Oui, les Non, les Pour, les Qui, les Quoi[2], les Si[3]. Il est très-bon de rire aux dépens des faquins qui font les importants, et des absurdes faiseurs de réquisitoires ; je crois que chacun aura son tour.
On parle d’une comédie de Hume, à la tête de laquelle on vous appelle par votre nom[4].
Pourriez-vous me rendre un petit service ? J’ai fait jadis des Éléments de Newton ; ils se trouvent dans l’édition des Cramer ; je les ai fait examiner avec soin. On trouve que je ne me suis pas mépris ; pourrais-je les faire approuver par l’Académie des sciences ? Comment faut-il s’y prendre ?
Mettez-moi un peu au fait des sottises courantes : je tâcherai de les peindre ; cela m’amuse quand je digère mal. Vous devriez venir nous voir ; les Cramer imprimeraient tout ce que vous voudriez, et, à l’égard des plats sociniens honteux, vous les recevriez dans votre antichambre, comme de raison.
Je vous embrasse de tout mon cœur ; ainsi fait Mme Denis. J’apprends que Mlle Clairon est malade : cela concourt à la soustraction de ma pauvreté tragique ; mais je ne veux pas que cela m’en ôte l’honneur.
- ↑ Médime ; voyez une note sur la lettre 4073.
- ↑ Voyez ces pièces, tome X.
- ↑ Les Si sont de Morellet.
- ↑ Dans la préface de l’Écossaise, d’Alembert est appelé homme de génie ; voyez tome V, page 410.