Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4214

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Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 493).

4214. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
6 août.

C’est pour vous dire, ô ange gardien ! que la Chevalerie est lue à l’armée, tous les soirs, quand on n’a rien à faire ; c’est pour vous dire qu’il y en a trente copies à Versailles et à Paris, et que je prétends que M. le duc de Choiseul répare, par ses bontés, le tort qu’il m’a fait.

Il n’y a donc pas à balancer, il n’y a donc pas de temps à perdre ; il faut donc jouer, il faut donc hasarder les sifflets, sans tarder une minute. Par tous les saints, la fin de Tancrède est une claironnade terrible. Imaginez donc cette Melpomène désespérée, tendre, furieuse, mourante, se jetant sur son ami, se relevant en envoyant son père au diable, lui demandant pardon, expirant dans les convulsions de l’amour et de la fureur : je le dis, ce sera une claironnade triomphante.

Vous avez dû recevoir mon gros paquet par M. de Chauvelin.

Au reste, je désapprouve fort les tribunaux normands[1].


Ma foi, juge et plaideurs, il faudrait tout lier.

(Racine, les Plaideurs, acte I, scène viii.)

Mon divin ange, il ne faudrait pas jouer l’Écossaise trois fois la semaine ; c’est bien assez de siffler deux fois en sept jours l’ami Fréron.

Je pris le premier dimanche du mois pour le second, dans mon dernier paquet, je datai 10 ; j’en demande pardon à la chronologie.

Dites-moi, je vous prie, ce qu’on fait de l’abbé Morellet.

Mille tendres respects aux anges.

  1. Dans leur résistance à la cour.