Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4359
Ma partie pensante, monsieur, sait tout ce qu’elle vous doit ; elle vous en remercie, elle y sera sensible jusqu’à ce qu’elle ne pense plus. Ma partie animale vous présente les papiers ci-joints, concernant la peste dont nous sommes menacés. Je sais qu’il y a peste et peste. Je ne prétends pas que celle qui dépeuple nos hameaux, dans un coin des Alpes, ait l’insolence de ressembler à celle de Marseille[2] ; je sais qu’il faut se tenir à sa place, mais enfin si on néglige l’objet de ma requête, la chose peut aller loin. Il s’agit de quelques malheureux ; mais ces malheureux, ignorés et délaissés, sont sujets du roi, et il étend ses regards sur les derniers de ses peuples. L’affaire dont il s’agit me paraît du ressort de votre archiàtrie. Si, sans vous compromettre, vous pouvez, monsieur, appuyer notre Mémoire[3], vous aurez le plaisir de faire du bien. Je vous prends là par votre faible. Soyez très-sûr que, si on ne remédie pas au mal, la contagion est à craindre. Nous sommes obligés d’abandonner le château de Ferney immédiatement après l’avoir achevé, et de nous réfugier en terre huguenote. Voyez, monsieur, ce que vous pouvez faire pour nos corps et pour nos âmes, La mienne est celle de votre ancien partisan, qui a l’honneur d’être, avec tous les sentiments qu’il vous doit, monsieur, votre, etc,