Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4424

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 157-158).

4424. — À M.  GABRIEL CRAMER[1].

Je vous remercie, caro Gabriele, de vos bontés, et cela bien tendrement.

L’affaire du pauvre Croze est incompréhensible partout ailleurs qu’en France, Un prêtre ! un assassinat prémédité ! Un billet de garantie donné par ce prêtre à ses complices. Il mérite la roue, et il est encore impuni.

y a quinze jours que Decroze est entre la vie et la mort, et son assassin dit la messe ! Le décret n’est point mis à exécution ; on cherche à temporiser, on veut s’accommoder et transiger avec la partie civile.

Que Philibert (Cramer) aille sur-le-champ chez Mme  d’Albertas ; qu’elle fasse dire à Croze père[2] que s’il est assez lâche pour marchander le sang de son fils, il deviendra l’horreur du genre humain.

Qu’on aille chez lui, qu’on l’encourage, qu’il ne rende pas peines inutiles. Cette affaire m’en donne assez. Que le géant Pictet coure à Sacconex, qu’il ait la honte de parler à Croze. Il ne faut pas qu’il épargne l’argent. Un des assassins a plus de dix mille écus de bien ; le curé est très-riche. Il y aura des dédommagements très-considérahlcs.

Corpus poetarum !… Envoyez-le-moi donc.

Au nom du bon goût, Allobroges que vous êtes, forme moins large, marge plus grande pour la prose. Que ces longues lignes pressées font un mauvais effet à l’œil ! Ah ! barbares ! Quand vous aurez fini, gardez-vous bien d’envoyer au roi de Prusse. Laissez-moi ce petit plaisir. Tuus V.

Comment vont les yeux de Mme  Gabriel ?

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Il hésitait à signer la requête du 10 janvier.