Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4484

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 230-231).

4484. — À M.  LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Au château de Ferney, 8 mars 1761.

Monsieur, je vous prie d’avoir la bonté de m’informer par quelle voie vous m’envoyez de votre nectar de Bourgogne. Cela m’est important, parce que je crois qu’il y a des droits à payer pour la sortie de France, et il serait triste de payer comme étranger quand on est bon Français et surtout quand on est Bourguignon comme j’ai l’honneur de l’être. Il est vrai que je suis séparé de vous par d’abominables montagnes, et je crois que votre vin fait le grand tour, et arrive par Versoy. Je vous serai très-obligé de vouloir bien me mettre au fait de la géographie de mes deux tonneaux. Cette affaire est plus agréable que celle de ce maudit curé. Je sais fort bien, monsieur, que votre tribunal n’a rien à démêler avec celui de la confession, et qu’il y a une différence énorme entre la justice que vous rendez, et l’abus que les jésuites font quelquefois de ce beau sacrement de pénitence. Je me doute bien qu’on ne peut que les tympaniser et non les actionner ; mais je ne veux point prendre parti dans cette affaire, attendu que j’ai été assigné en témoignage, et qu’il faut qu’un témoin ait l’air impartial. Ce beau procès ira sans doute au parlement. Cela apprendra du moins aux curés du petit pays de Gex à ne point aller battre les femmes chez elles pendant la nuit ; Jésus-Christ ne les battait point ; je me flatte que le parlement de Bourgogne ne souffrira chez les prêtres, ni les billets de confession, ni les coups de bâton[2].

Cependant buvons, mille respects à Mme Le Bault ; et avec les mêmes sentiments, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. Éditeur, de Mandat-Grancey.
  2. Le commencement de la lettre jusqu’à Cependant paraît avoir été écrit par un secrétaire ; la fin est de la main de Voltaire ; lui-même. (Note du premier éditeur.)