Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4510

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 255-256).

4510. — À MADAME D’ÉPINAI.
Avril.

Ma belle philosophe, amusez-vous un moment de ce chiffon[1], et si vous voyez M.  Diderot, priez-le de faire mes compliments au cher abbé Trublet. J’aime à mettre ces deux noms ensemble. Les contrastes font toujours un plaisant effet, quoi que le monde en dise.

Amusez-vous toujours des sottises du genre humain ; il faut en profiter ou en rire.

Rousseau Jean-Jacques, que j’aurais pu aimer s’il n’était pas né ingrat ; Jean-Jacques qui appelle M.  Grimm un Allemand nommé Grimm[2], Jean-Jacques qui m’écrit[3] que j’ai corrompu sa ville de Genève…, c’est un fou, vous dis-je, avec sa paix perpétuelle ; il s’est brouillé avec tous ses amis. C’est un petit Diogène qui ne mérite pas la pitié des Aristippes.

Adieu, madame. Je suis plus fâché que jamais qu’il y ait cent lieues entre la Chevrette et Ferney. Mais il y a bien plus loin encore entre vous et les plats personnages de ce siècle.

  1. Le Rescrit de l’empereur de la Chine, à l’occasion du Projet de Paix perpétuelle ; voyez tome XXIV, page 231.
  2. Voyez la lettre de J.-J. Rousseau, du 17 juin 1760, ci-dessus, n° 4153, tome XL, page 422.
  3. Voyez tome XL, page 423.