Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4602

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 360).

4602. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Ferney, 8 juillet.

Vraiment je prenais bien mon temps pour écrire au cardinal Passionei. Il est mort, ou autant vaut ; et, à moins qu’il ne m’envoie de ses reliques, je n’en aurai point. J’ai peur à présent que mon paquet[1] ne soit parti : je m’abandonne à la Providence.

Pour me dépiquer, mes chers anges, je vous enverrai incessamment Zulime. Je me suis raccommodé avec elle, comme vous savez, mais je suis toujours brouillé avec Pierre le Cruel[2].

C’est avec un plaisir extrême que je commente Corneille. Je ne donnerai de notes que sur les pièces qui restent de lui au théâtre, et j’ose croire que ces notes ne seront pas inutiles. En vérité, cet homme-là me fera faire encore une tragédie. Il me semble que je commence à connaître l’art, en étudiant mon maître à fond.

Je ne sais comment iront les souscriptions ; mais je travaille à bon compte. Pourriez-vous avoir la bonté de me dire si Duclos est revenu ? Je lui crois un zèle actif qui me va comme de cire.

Et Oreste, que devient-il ? est-il fondu par les chaleurs ? M. le comte de Lauraguais me dédie le sien[3], et il est encore plus grec, encore plus déclamateur que le mien.

Omer est un grand cuistre ; mais Corneille est un grand homme.

Oncle, nièce, et pupille, hommage aux anges.

  1. Voyez la lettre 4580.
  2. La tragédie de Don Pèdre.
  3. La tragédie de Lauraguais est intitulée Clytemnestre ; 1761, in-8o.