Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4650

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 418).

4650. — À MADAME D’ÉPINAI.
24 auguste.

Ma belle philosophe, je ne suis pas comme vous ; je suis très-aise que frère Saurin soit marié : il fera de bons cacouacs, nous en avons besoin ; c’est aux philosophes qu’il appartient de faire des enfants. Il faudrait que tous les petits couteaux qu’on vendait pour châtrer les Montsoreau servissent aux Omer, aux Joly de Fleury, et empêchassent cette graine de pulluler. Si je me mariais, je prierais frère Saurin de faire des enfants à ma femme.

Je voudrais bien, madame, vous voir avec vos sabots, je vous montrerais les miens ; vous me diriez s’ils sont du bon faiseur. J’en ai réellement à Ferney. J’ai cédé les Délices au duc de Villars, qui a toujours des souliers fort mignons ; mais malheureusement il n’a point de jambes, et il est venu prier Tronchin de lui en donner.

Je crois que j’ai porté-malheur aux jésuites ; vous savez que je les ai chassés d’un petit domaine qu’ils avaient usurpé ; le parlement n’a fait que m’imiter. On me mande que le parlement de Nancy a condamné frère Menou aux galères ; je crois l’arrêt fort juste, car le moyen qu’un parlement puisse avoir tort ! Frère Menou aurait bonne grâce à ramer avec l’abbé de La Coste ; mais le parlement de Nancy n’est pas français, et il n’y a point de port de mer en Lorraine. Adieu, madame ; Corneille m’appelle. Permettez-moi mille compliments à tout ce qui vous environne.