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Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4649

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 417-418).

4649. — À M. SÉNAC DE MEILHAN[1].
chez m. de sénac, premier médecin du roi, à versailles.
Au château de Ferney, par Genève, 24 auguste 1761.

Je me hâte, monsieur, de vous remercier au nom de Mlle Corneille et au mien : j’espère que nous commencerons incessamment l’édition projetée, dès que l’Académie m’aura envoyé les notes qu’elle a entre les mains sur les principales pièces. Je ne propose que des doutes, et c’est à l’Académie à décider, afin que cet ouvrage puisse être un livre classique utile aux étrangers qui apprennent notre langue par principes, et aux Français qui ne la savent que par l’usage. Les remarques sur l’art dramatique ne seront pas inutiles aux amateurs. Il me semble que je ne pouvais mieux finir ma carrière qu’en tâchant d’élever un monument à l’honneur des arts et de la nation. Je suis enchanté que vous vouliez bien y contribuer. Vous agissez comme bon citoyen et comme un homme qui m’honore de son amitié : ces deux motifs me sont bien sensibles.

La petite anecdote dont on vous a régalé sur Mlle Corneille est tout juste le contraire de ses sentiments et de sa conduite. Nous sommes, Mme Denis et moi, également contents de cette enfant. Elle fait la consolation de notre vie.

Pour l’anecdote de frère Menou, j’ignore encore si elle est vraie ; je ne conçois pas trop comment on peut condamner aux galères dans un pays où il n’y a point de port de mer : c’est peut-être un miracle de saint Ignace. Adieu, monsieur, je vous quitte pour le grand Corneille.

Nous aurons huit ou neuf volumes in-4°. Ils ne coûteront que deux louis d’or. On ne peut avoir du sublime à meilleur marché. Permettez-moi de faire mille compliments à monsieur votre père et à monsieur votre frère.

Votre obéissant serviteur. V.

  1. Les Autographes, par M. de Lescure, 1865.