Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4696

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 464-465).

4096. — À M. VERNES,
à séligny.
À Ferney, 1er octobre.

J’ai été malade et, de plus, très-occupé, mon cher prêtre. Pardon si je vous réponds si tard sur le manuscrit indien[1]. Ce sera le seul trésor qui nous restera de notre compagnie des Indes.

M. de La Persilière n’a aucune part à cet ouvrage : il a été réellement traduit à Bénarès par un brame correspondant de notre pauvre compagnie, et qui entend assez bien le français.

M. de Maudave[2], commandant pour le roi sur la côte de Coromandel, qui vint me voir il y a quelques années, me fit présent de ce manuscrit. Il est assurément très-authentique, et doit avoir été fait longtemps avant l’expédition d’Alexandre, car aucun nom de fleuve, de montagne, ni de ville, ne ressemble aux noms grecs que les compagnons d’Alexandre donnèrent à ces pays. Il faut un commentaire perpétuel pour savoir où l’on est, et à qui l’on a affaire.

Le manuscrit est intitulé Ézour-Veidam, c’est-à-dire Commentaire du Veidam. Il est d’autant plus ancien qu’on y combat les commencements de l’idolâtrie. Je le crois de plusieurs siècles antérieur à Pythagore. Je l’ai envoyé à la Bibliothèque du roi, et on l’y regarde comme le monument le plus précieux qu’elle possède. J’en ai une copie très-informe, faite à la hâte ; elle est aux Délices ; et vous savez peut-être que j’ai prêté les Délices à M. le duc de Villars.

Vous seriez bien étonné de trouver dans ce manuscrit quelques-unes de vos opinions ; mais vous verriez que les anciens brachmanes, qui pensaient comme vous et vos amis, avaient plus de courage que vous.

Il est bien ridicule que vous ne puissiez consacrer mon église, et peut-être plus ridicule encore que je ne puisse la consacrer moi-même.

Je vous embrasse au nom de Dieu seul[3].

  1. Voyez tome XXVI, page 392.
  2. Voyez tome XL, page 547.
  3. Les précédents éditeurs avaient ajouté à Cette lettre le paragraphe qui termine la lettre 4686 (voyez H. Beaune, Voltaire au collège, page 80).