Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4785

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 560-561).

4785. — À MADAME LA MARQUISE DE BOUFFLERS[1].
Aux Délices, par Genève, 24 décembre.

Vous m’avez permis, madame, d’avoir l’honneur de vous écrire quelquefois. Je profite de cette liberté pour vous dire que, le roi ayant daigné souscrire pour la valeur de deux cents exemplaires de la nouvelle édition de Corneille, l’empereur pour cent, l’impératrice pour cent, l’impératrice de Russie pour deux cents. Sa Majesté le roi de Pologne a souscrit pour un[2]. Nous allons imprimer les noms des souscripteurs. Je crains qu’il y ait une méprise dans cette unité du roi de Pologne. Il me semble que cette unité ferait un trop grand contraste avec les zéros qu’on trouve dans la souscription de tant d’autres souverains. Je crains de lui déplaire, et c’est le but de ma lettre. Mlle Corneille ne demande point une libéralité trop forte et qui puisse être à charge ; mais j’ai peur qu’il ne convienne pas à la dignité du roi de Pologne que son nom paraisse pour un seul exemplaire.

J’ai cru que je ne pouvais mieux m’adresser qu’à vous, madame, pour savoir ce qui convient, et quelle est l’intention de Sa Majesté. Pardonnez-moi cette importunité ; elle me procure l’honneur de me rappeler à votre souvenir.

Il est vrai que Mlle Corneille n’est pas Lorraine ; mais elle est la nièce du grand Corneille. Le roi de Pologne est devenu Français, il écrit en français ; il s’appelle le Bienfaisant.

J’ai l’honneur d’être, avec bien du respect, madame, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. On lit à la marge de la lettre : « M. de Voltaire a été trompé ; car le roi de