Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5009

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 211-212).

5009. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
18 auguste.

Divins anges, le bout de vos ailes m’est plus sacré que jamais. Je vous remercie du bateau : voilà ce qu’on peut donner de plus agréable à M. Tronchin[1]. Je vous prie de joindre à toutes vos bontés celle d’ordonner à l’orfèvre d’envoyer par la diligence son bateau à M. Camp, banquier à Lyon, lequel M. Camp me le dépêchera sur-le-champ.

J’espère que je vous aurai bientôt une obligation encore plus grande, et que votre protection fera réformer l’abominable arrêt de Toulouse.

En vérité, si le roi connaissait les conséquences funestes de cette horrible extravagance, il prendrait l’affaire des Calas plus à cœur que moi. Voilà déjà sept familles qui sont sorties de France. Avons-nous donc trop de manufacturiers et de cultivateurs ? Je soumets ce petit article à la considération de M. le comte de Choiseul. La France le bénit de travailler à la paix ; mais Marie-Thérèse poursuivra toujours Luc.

Catherine se joindra à Marie-Thérèse ; don Carlos voudra délivrer don Joseph du soin de régir la Lusitanie.

Cette pièce vraiment n’est pas aisée à faire ; et l’auteur y aura assurément bien de l’honneur. On lui battra des mains sur les bords de mon lac, comme sur les bords de la Seine. Il daigne donc aussi protéger le tripot et les curés ! Dieu le bénira. Il faut que nous lui ayons l’obligation, à lui et à M. le maréchal de Richelieu, d’être débarbarisés.

J’entends Mme de Scaliger à demi-mot ; elle veut un Cassandre : vous l’aurez, madame ; mais je doute que vous et mon autre ange vouliez l’exposer au théâtre et à la dent des malins, qui se moqueront de père Voltaire, et du curé d’Éphèse, et de ma religieuse, et de mon Cassandre dûment confessé. Cependant je vous jure que le tout fait un effet auguste et terrible. J’en ai pour garants des huguenots, qui se moquent des sacrements, et à qui pourtant ma confession a fait grand plaisir : enfin vous en jugerez. Je vous soumets tout ce que j’ai de sacré et de profane.

M. le maréchal de Richelieu vient-il ? Nous lui jouerons Cassandre. Mille tendres respects.

  1. Voyez lettre 4832.