Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5235

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 426-427).

5235. — À M.  DAMILAVILLE.
Le 15 mars.

Mon cher frère, il y a donc de la justice sur la terre ; il y a donc de l’humanité. Les hommes ne sont donc pas tous de méchants coquins, comme on le dit.

Il me semble que le jour du conseil d’État est un grand jour pour la philosophie. C’est le jour de votre triomphe, mon cher frère ; vous avez bien aidé à la victoire ; vous avez servi les Calas mieux que personne.

Tout le monde dit que M. de Crosne a rapporté l’affaire avec une éloquence digne de l’auguste assemblée devant laquelle il parlait. Il est devenu célèbre tout d’un coup. C’est un jeune homme d’un rare mérite, et qui est un peu de nos adeptes, avec la prudence convenable : le temps n’est pas encore venu de s’expliquer tout haut. Je parie que le marquis Simon Lefranc est fâché de ce succès, et que son frère a dit la messe pour obtenir de Dieu que la requête fût rejetée.

Je reçois la jolie préface imprimée à Genève aux dépens des chirurgiens-dentistes[1] ; je crois que vous recevrez bientôt la Relation d’un Voyage, imprimée à Paris aux dépens de Simon Lefranc[2].

J’embrasse plus que jamais mon cher frère. Ècr. l’inf…

On dit que Mlle  Clairon viendra bientôt voir le sauveur Tronchin à Genève ; nous la prierons de jouer sur notre petit théâtre quand elle se portera bien. Ce sera une de nos singularités d’avoir eu Clairon et Lekain dans notre bassin des Alpes. Pour les comédiens de Paris, je leur conseille de mettre sur leur porte : Maison à louer.

  1. Voltaire parle de la Lettre de M. de L’Écluse ; voyez tome XXIV, page 457.
  2. Voyez ibid., page 461.