Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5357

La bibliothèque libre.

5357. — DE M. DE BRETEUIL[1],
ministre plénipotentiaire en russie.
Paris, ce 1er août 1763.

J’étais parti de Russie, monsieur, quand la lettre dont vous m’avez honoré y a été apportée par M. Féronce ; elle m’a été renvoyée ici depuis peu de jours. Je regrette très-sincèrement de ne m’être pas trouvé à Pétersbourg pour témoigner à M. Féronce tous les droits de votre recommandation auprès de moi.

Il n’est pas, malheureusement pour moi, en mon pouvoir de me rappeler l’époque de mon maillot, dont vous voulez bien dater votre connaissance ; mais je vous prie, monsieur, d’être très-persuadé que je n’ai point oublié, ni n’oublierai jamais, que j’ai eu souvent l’avantage de me trouver à portée, dans les premières années de ma raison, de vous voir et de vous entendre. Je voudrais bien en pouvoir dire autant aujourd’hui ; j’en sentirais mieux et le prix et tous les charmes.

J’ai beaucoup vécu avec votre géant de Russie[2]. C’est un homme fort estimable, et que j’aime de tout mon cœur. Souvent, monsieur, il me parlait de son attachement pour vous, et très-souvent je lui demandais de vos nouvelles ; il ne me démentira pas. Mais pourquoi me vanter de cette attention ? Je la partage avec l’Europe ; d’ailleurs le devoir et l’A, B, C d’un ambassadeur est de mettre sans cesse en avant ce qui honore le plus son pays.

J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments les plus sincères, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Le baron de Breteuil.

  1. Éditeurs, Bavoux et François. — La lettre de Voltaire, à laquelle M. de Breteuil répond en termes si aimables, n’a malheureusement pas été retrouvée. (A. F.)
  2. Pictet.