Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5417

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Correspondance de Voltaire/1763
Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 580).

5417. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI[1].
À Ferney, 27 septembre.

Vous êtes, monsieur, dans les plaisirs della villeggiatura, et vous y joignez celui de prendre les eaux avec une très-aimable dame. Ces eaux ne seront pas pour vous celles de la fontaine de l’enchanteur Merlino, qui rendaient le buveur amoureux et la buveuse indifférente, et elles seront de plus celles d’Hippocrène,

J’aurais bien voulu vous envoyer Olympie ; mais le paquet est trop gros pour la poste et trop petit pour la messagerie. J’espérais trouver quelque voyageur qui vous la rendrait en passant par Bologne ; mais j’ai été trompé dans mes espérances. C’est une chose bien désagréable, dans votre belle Italie, que cette difficulté de faire entrer des livres.

Je n’écris point à M. Goldoni ; mais je l’attends à son passage, quand il sera las de la vie de Paris. La mienne est uniforme et tranquille, partagée entre la lecture et les amusements de la campagne. J’espère qu’il viendra philosopher avec moi après avoir badiné avec le théâtre italien de Paris. Il me paraît, par ses ouvrages, qu’il a plus d’une sorte d’esprit, et qu’il peut instruire les hommes aussi bien que leur plaire. Quand je le verrai, je sentirai davantage le regret de ne vous point voir. Plus il me parlera de vous, plus il augmentera des désirs qui ne peuvent être satisfaits.

Adieu, monsieur ; ma misérable santé, mon âge et mon esprit de retraite, ne dérobent rien aux sentiments qui m’attachent à vous pour jamais.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.