Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5454

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 29-30).

5454. — À M.  GOLDONI.
À Ferney, 9 novembre.

Aimable peintre de la nature, vous avez, la France et vous, tant de charmes l’un pour l’autre que je serai mort avant que vous puissiez revenir en Italie, et passer par mes petites retraites.

Je ne vous ai point encore envoyé les rêveries qu’on a imprimées sous mon nom, et qui courent le monde. La raison en est que je lis vos ouvrages, et que plus je les lis, moins j’aime les miens ; mais aussi je vous en aime davantage : cependant j’aurai soin de vous payer mon tribut, tout indigne qu’il est de vous.

J’ai eu l’honneur de voir vos ambassadeurs vénitiens ; ils sont venus sur ma Brenta ; je les ai reçus de mon mieux. Il me vient quelquefois des Italiens fort aimables, et ils ne servent qu’à vous faire désirer davantage. Je reçois quelquefois des nouvelles de votre ami le sénateur de Bologne[1], qui est aussi le sénateur de Melpomène et de Thalie. Je vois qu’il est constant dans son goût pour le théâtre, et que par conséquent Dieu le bénira toujours.

Vivez heureux où vous êtes ; et quand vous repasserez les Alpes, souvenez-vous qu’entre elles et le mont Jura il y a un bassin d’environ quarante lieues, où demeure le plus constant de vos admirateurs, qui demande place au rang de vos amis.

  1. Albergati Capacelli.