Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5480

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 46-47).

5480. — À M.  DAMILAVILLE.
11 décembre.

Vous devez à présent, mon cher frère, avoir reçu quelques Tolérance. Il est vrai qu’elles ont été bien reçues des personnes principales[1] à qui les premiers exemplaires ont été adressés, dans le temps que M. Turrettin était chargé de votre paquet. Je crois même vous l’avoir déjà dit ; mais il faudra bien du temps pour que ce grain lève et ne soit pas étouffé par l’ivraie.

Vous savez sans doute que le livre attribué à Saint-Évremont est de Dumarsais, l’un des meilleurs encyclopédistes. Il est bien à désirer qu’on en fasse une édition nouvelle plus correcte. Je n’aime point le titre : Par permssion de Jean, etc. L’ouvrage est sérieux et sage ; il ne lui faut pas un titre comique.

Je vous supplie de vouloir bien m’envoyer encore un exemplaire, car j’ai marginé tout le mien, suivant ma louable coutume.

Un libraire de Rouen, nommé Besongne, m’a bien la mine d’avoir imprimé cet ouvrage ; si on le lui renvoyait corrigé, il pourrait en faire une édition plus supportable.

Je reçois exactement ce qu’on m’envoie de Paris, mais je crois m’apercevoir que le timbre de Genève n’est pas toujours respecté chez vous. Les livres vous arrivent très-difficilement par la poste, à moins qu’ils ne parviennent sous l’adresse des ministres ; et c’est une liberté qu’on ne peut prendre que très-rarement.

Vous avez dû recevoir, mon cher frère, un petit paquet pour amuser frère Thieriot.

Vous ai-je mandé que j’avais été fort content de Warwick, et que je conçois de grandes espérances de son auteur[2] ?

Ne pourriez-vous pas, mon cher frère, charger Merlin de me faire avoir le Droit ecclésiastique[3], composé par M. Boucher d’Argis ? On dit que c’est un fort bon livre, et qu’il y a beaucoup à profiter. La nouvelle déclaration du roi, que vous avez eu la bonté de m’envoyer, doit faire renaître la confiance, et rendre le roi et le ministère plus chers à la nation : il est évident que le roi ne veut que ce qui est juste et raisonnable ; il veut payer les dettes de l’État et soulager le peuple. J’ose espérer que cette déclaration donnera du crédit aux effets publics.

Mon cher frère, recevez mes tendres embrassements, et embrassez pour moi les frères. Écr. l’inf…

  1. Voyez page 30.
  2. La Harpe.
  3. Institutions au droit ecclésiastique, par l’abbé Fleury, avec notes et deux lettres par M. Boucher d’Argis ; 1762, deux volumes in-18.