Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5646

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 213-214).

5646. — À M. BERTRAND.
Aux Délices, 15 mai.

Hiacos intra muros peccatur et extra.

(Hor., lib, I, ep. II, v. 16.)

Mais, mon cher philosophe, Berne aura la gloire de tout pacifier ; il lui suffira de dire : Quos ego[1]… On ne connaît pas trop ici les fadaises de Guillaume Vadé ; ce sont des joujoux faits pour amuser des Français, et dont les têtes solides de la Suisse ne s’accommoderaient guère. Cependant, s’il y a ici quelques exemplaires, je ne manquerai pas de vous en faire avoir un. J’aimerais bien mieux être chargé par l’électeur palatin de vous présenter quelque chose de plus essentiel.

Je vous suis infiniment obligé de la bonté que vous avez eue de m’envoyer ces Irrigations[2]. Je vous supplie de présenter mes très-humbles remerciements à l’auteur respectable ; nous lui devrons, mes vaches et moi, de grandes actions de grâces. Nous ne sommes pas, dans notre pays de Gex, de si bons cultivateurs que les Bernois ; mais je fais ce que je peux pour les imiter, et je crois rendre service à mon prochain quand je fais croître quatre brins d’herbe sur un terrain qui n’en portait que deux. J’ai bâti des maisons, planté des arbres, marié des filles ; l’ange exterminateur n’a rien à me dire, et je passerai hardiment sur le pont aigu[3]. En attendant, je vous aimerai bien véritablement, mon cher philosophe, tant que je végéterai dans ce monde.

  1. Enéide, I, 135.
  2. Traité de l’irrigation des prés, par M. Bertrand ; 1764, in-12.
  3. Expression du Sadder : voyez tome XXVII, page 433.