Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5656

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 224-225).

5656. — À M. PANCKOUCKE[1].
Aux Délices, 24 mai.

Vous me mandez, monsieur, que vous imprimez mes Romans, et je vous réponds que si j’ai fait des Romans j’en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n’y ai jamais mis mon nom, pas plus qu’à mes autres sottises. On n’a jamais, Dieu merci, rien vu de moi contre-signé et parafé Cortiat, secrétaire, etc. Vous me dites que vous ornerez votre édition de culs-de-lampe : remerciez Dieu, monsieur, de ce qu’Antoine Vadé n’est plus au monde ; il vous appellerait Welche sans difficulté, et vous prouverait qu’un ornement, un fleuron, un petit cartouche, une petite vignette ne ressemble ni à un cul ni à une lampe.

Vous me proposez la paix avec maître Aliboron, dit Fréron ; et vous me dites que c’est vous qui voulez bien lui faire sa litière. Vous ajoutez qu’il m’a toujours estimé, et qu’il m’a toujours outragé. Vraiment voilà un bon petit caractère ; c’est-à-dire que quand il dira du bien de quelqu’un, on peut compter qu’il le méprise. Vous voyez bien qu’il n’a pu faire de moi qu’un ingrat, et qu’il n’est guère possible que j’aie pour lui les sentiments dont vous dites qu’il m’honore. Paix en terre aux hommes de bonne volonté[2] ; mais vous m’apprenez que maître Aliboron a toujours été de volonté très-maligne. Je n’ai jamais lu son Année littéraire ; je vous en crois seulement sur votre parole.

Pour vous, monsieur, je crois que vous êtes de la meilleure volonté du monde, et je suis très-persuadé que vous n’avez imprimé contre moi rien que de fort plaisant pour réjouir la cour ; ainsi je suis pacifiquement, monsieur, votre, etc.

  1. On peut regarder cette lettre comme une facétie : nous l’avons déjà donnée tome XXV, page 255 ; il le fallait. Nous la répétons ici, pour la commodité du lecteur. C’est une réponse au morceau imprimé tome XXV, page 254, et que Voltaire (dans sa lettre à Damilaville, du 20 juillet 1764) dit n’être qu’un fragment.
  2. Paroles qui se disent à la messe dans le Gloria in excelsis, et qui sont, de l’évangile de saint Luc, chapitre ii, verset 14.