Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5897
Mon cher ange, d’abord comment va la toux de Mme d’Argental, et pourquoi tousse-t-elle ? ensuite je remercie très-humblement M. le duc de Praslin du passe-port[1].
Ensuite vous saurez que je bataille toujours avec le tyran du tripot[2] ; mais vous sentez bien que je serai battu. Il y a de l’aigreur ; on ne m’en a jamais dit la raison.
Il me semble, au sujet des roués, qu’il ne serait pas mal d’attendre Pâques. Peut-être l’acteur dont vous me parlez[3] aura déployé alors des talents qui encourageront le petit ex-jésuite.
Voulez-vous que je vous envoie un Portatif sous le couvert de M. le duc de Praslin ? Je ne m’aviserais pas de prendre ces libertés sans vos ordres précis. Les auteurs de cet ouvrage n’ont pas été assez loin ; ils n’ont fait qu’effleurer les premiers temps du christianisme. Vous savez bien que Paul[4] était une tête chaude ; mais savez-vous qu’il était amoureux de la fille de Gamaliel ? Ce Gamaliel était fort sage ; il ne voulut point d’un fou pour son gendre. Il[5] avait à la vérité de larges épaules, mais il était chauve, et avait les jambes torses ; son grand vilain nez ne plaisait point du tout à Mlle Gamaliel. Il se tourna du côté de sainte Thècle, dont il fut directeur ; mais en voilà trop sur cet animal.
Mon cher ange, vivez gaiement, aimez le plus que borgne.