Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5957

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 500-501).

5957. — DE MADAME LA MARQUISE DE MONREPOS[1].
Monrepos, le 22 mars 1765.

Quelle gloire touchante pour vous, monsieur, que de voir vos soins réussir, pour mettre en son jour l’innocence de l’infortunée famille Calas ! C’est une félicitation que votre bon cœur recevra avec plaisir : elle part de tout ce qui a de l’humanité et qui pense. Si le fanatisme est une hydre, vous en serez l’Hercule pour la terrasser. Je compte aller passer quelque temps auprès de l’aimable margrave de Bade-Dourlach ; je vous demanderai, monsieur, quelque recommandation et souvenir pour elle, qui sait si bien, ainsi que le margrave, vous admirer et vous chérir. J’espère bien, en revenant, faire un petit détour par Lunéville ; mon fils doit y être arrivé bientôt ; ce charmant chevalier de Boufflers a voulu se charger de tout pour lui : il me prouve combien il est agréable d’être obligé par ses amis ; il y recevra une bonne éducation : voilà la meilleure fortune que j’envisage pour lui dans ce moment.

Mon regret, monsieur, est de n’avoir pas pu vous demander votre bénédiction et vos ordres : ce bonheur m’est, j’espère, réservé pour mon retour. Puissiez-vous jouir de cette santé précieuse que tous nos cœurs vous désirent comme à la lumière de notre siècle, dont les rayons vivifient ce qui est bien, et doivent anéantir ce qui est mauvais. Conservez de grâce, monsieur, votre amitié, votre bonté, à celle qui a l’honneur de vous admirer de toutes les facultés de son entendement, et de vous aimer de toutes celles de son cœur. Je demande la même grâce à Mme Denis, et de vouloir bien ne pas m’oublier.

  1. L Amateur d’autographes, année 1866, page 259.