Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6105

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 58-59).

6105. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
4 septembre.

Premièrement, mes divins anges sauront que c’est la chose du monde la plus aisée d’envoyer au suppliant un paquet de vers contre-signé ;

Secondement, que je renverrai sur-le-champ en droiture, à M. le duc de Praslin, la pièce entière dûment corrigée, avec la préface honnête et modeste du petit ex-jésuite ; et si mes anges sont contents, ils remettront le tout à Lekain, qui saisira le temps le plus favorable pour imprimer l’ouvrage à son profit, supposé qu’il puisse y avoir du profit, et que le public ne soit pas lassé de tant d’œuvres dramatiques ;

Troisièmement, mes anges me permettront-ils de leur présenter la pancarte ci-jointe ? M. Fabry, dont il est question, a rendu en effet des services, en réglant les limites de la France, de la Suisse, et de Genève. Si mes anges ont la bonté de m’assurer des intentions favorables de M. le duc de Praslin, je serai bien content, et je ferai grand plaisir à M. Fabry.

Notre résident se porte mieux, mais M. Tronchin ne croit pas qu’il en réchappe ; il peut se tromper, tout grand médecin qu’il est. Vingt personnes demandent déjà cette place.

Je crois que M. le duc de Praslin est instruit du mérite de M. Astier, qui est employé depuis longtemps[1]. Je ne le connais pas, mais je sais qu’il est tout à fait pour la bonne cause, et extrêmement circonspect.

Je suis extrêmement content de M. Damilaville ; c’est un homme d’une probité courageuse.

Il faut vous dire un petit mot de la vertu de Jean-Jacques Rousseau, qui est dans un autre goût.

Il vient d’être avéré que, pour être admis à la communion des fidèles dans le village où il aboie, il a promis, par un écrit signé de sa main, qu’il écrirait contre le livre abominable d’Helvétius[2]. Son curé, avec lequel il s’est brouillé, comme avec le reste du monde, a été obligé de faire imprimer cette belle promesse.

Il est bien triste pour la philosophie que ce misérable en ait pris le manteau pendant quelque temps ; mais il ne faut pas que Platon cesse de philosopher parce que le chien de Diogène veut mordre ; il faut vivre et mourir dans l’amour de la vérité.

Je baise plus que jamais le bout des ailes de mes anges.

  1. En Hollande ; voyez lettre 6107.
  2. Voyez les notes sur la lettre 6098.