Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6328

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 277).

6328. — À M.  LE CHEVALIER DE TAULÈS.
30 avril.

Mon cher monsieur, le frère d’Auzières et le sieur Bourlier natifs viennent à moi, ainsi que syndics à qui j’ai prêté de l’argent, conseillers qui ont fait de bons marchés avec moi, citoyens à tête chaude et autres, y sont venus. J’ai prêché la paix à tous, et je suis toujours resté en paix chez moi ; tout ceci est une comédie dont vous venez faire le dénoûment. D’Auzières[1] est en prison, et vous protégez les malheureux ; je ne connais point les rubriques de la ville de Calvin, et je ne veux point les connaître. Une vingtaine de natifs est venue me trouver, comme les poissardes de Paris, qui me firent autrefois le même honneur ; je leur forgeai un petit compliment pour le roi, qui fut très-bien reçu. J’en ai fait un pour les natifs, qui n’a pas été reçu de même ; c’est apparemment que messieurs des Vingt-Cinq sont plus grands seigneurs que le roi ; j’ignore si les poissardes ont plus de privilèges que les natifs. Mais je vous demande votre protection pour de pauvres diables qui ne savent ce qu’ils font. Ce n’est pas des perruques carrées que je parle, c’est des natifs. Tout en riant, honorez ces bonnes gens de vos bontés compatissantes, et conservez-moi les vôtres.

  1. George D’Auzières, sorti de prison, vint chercher un asile à Ferney, et obtint une des maisons que Voltaire avait fait construire et vendait en rentes viagères à cinq, six, ou sept pour cent. (B.)