Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6486

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 412).

6486. — À M.  DAMILAVILLE[1].
À Genève, 5 septembre.

Votre lettre, monsir, l’avoir fait peaucoup de joie à le votre petit serviteur le Suisse. Moi être pien aise de tout ce que fous dites à moi pour ce qui recarde mon cher maître, monsir Boursier, Le monte, chez vous, ly être pas pon Suisse ; il dit et écrit des mensonges qui mettent en peine les chens. Moi l’être pien aise que tout cela soit pas frai. Cependant toutes ces sottises sont la cause de mille pruits et discours que l’on tient dans les enfirons.

Monsir Boursier l’a pas peur ; mais lui être pien fachir de toutes les apominations que l’on fait continuellement. Je crains que lui si mette un pon fois en colère ; je ne foudrais pas. Il ne faut pas toujours croire son petit commis, témoin la pouture de tabac dont Bigex a dit rouler quelques carottes, et qui commence à s’y distribuer. Je l’avrais pien prié de ne pas faire, et moi mettre à genoux ; lui l’avre pas foulu croire moi. Lui n’a vu ni mangir de pon pain de Gonesse fait par ce poulangir que fous me parlez, et moi l’ai rien dit ; je ne savre ce que c’est.

Mme  Denis li être peaucoup poltron ; le peur l’empêche d’écrire. Moi lui avre point dit, les faiseurs de poutre de perlinpin de Besançon feront pentre un pon apothicaire pour avoir fendu de pons drogues. Ô mon Dié ! les pons chens ont enfie de se mettre cent piés dans la terre. Le monte va redevenir parbare. Le cœur fait mal ; mais le mien fous aime bien, car fous li être un prave homme.

Je me recommande à le votres pons prières, et je fous demande toujours votre pon amitié.


Wagnière.
  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — Cette lettre est censée écrite par Wagnière, qui était Suisse.