Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6508

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 433-434).

6508. — À M.  DE LA HARPE.
17 septembre.

Mon cher confrère et mon cher enfant, je vous remercie bien tard, mais j’ai été malade. J’ai pris les eaux, et pendant ce temps-là on n’écrit point. Vous savez aussi peut-être combien j’ai été affligé d’une aventure[1] dont vous avez entendu parler à Hornoy ; vous n’ignorez pas tous les bruits qui ont couru ; je suis sûr enfin que vous me pardonnerez mon silence : comptez que je n’en ai pas moins été sensible à vos succès[2] et à votre gloire. Je suis persuadé que vous avez achevé actuellement votre tragédie, car vous travaillez avec la facilité du génie. Je ne sais si vous aurez des acteurs, je ne suis sûr que de vos beaux vers. Votre ami M.  de Chamfort m’a envoyé sa pièce académique[3]. Vous avez un frère en lui, vous êtes l’aîné ; mais ce cadet me paraît fort aimable, et très-digne de votre amitié. Votre union fait également honneur aux vainqueurs et aux vaincus. Je voudrais vous tenir l’un et l’autre dans ma retraite. Je vois que vous n’y viendrez que quand les beaux jours seront passés, mais vous ferez les beaux jours. Vous me trouverez peut-être vieilli et triste ; vous me rajeunirez, et vous m’égayerez. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

  1. Le supplice de La Barre.
  2. La pièce de vers de La Harpe, intitulée le Poëte, avait été couronnée par l’Académie française.
  3. Intitulée l’homme de letres, et qui avait été envoyée à l’Académie française pour le concours du prix de poésie.